Fanny Cérèse, une architecte à l'écoute des attentes réelles du public ! (article + vidéo)
Une architecte "pas comme les autres"...
Fany Cérèse est docteure en architecture et co-fondatrice de l'Atelier AA - Architecture Humaine. Elle a développé une approche qui s'appuie sur le respect et le soutien de l'autonomie des individus, ainsi que sur le refus de la stigmatisation des personnes en fonction de leurs fragilités, de leur sexe, de leur culture ou pour tout autre raison. Pour découvrir en vidéo son intervention faite dans le cadre du congrès GAG-AD-PA 2023, cliquez sur ce lien.
... mais pourquoi ?
Si vous ne regardez pas la vidéo, il est nécessaire d'expliquer en quoi l'approche de Fany Cérèse est singulière. Les architectes ont vocation à prendre en compte les usages des personnes qui vont occuper les bâtiments qu'ils construisent. Quand ils vont se saisir d'un projet de reconstruction d'un EHPAD, ils vont donc prendre en compte les besoins et les attentes de la direction, des équipes et de ce qu'ils pensent savoir de ceux des personnes âgées.
Pour les deux premiers groupes, il est simple et conventionnel d'organiser des dispositifs de consultation. Par contre, pour ce qui est de recueillir les souhaits du public, la norme est de s'appuyer sur des stéréotypes qui, même s'ils sont étayés par des études sociologiques, ne refléteront jamais les attentes réelles des habitants du lieu. C'est d'autant plus vrai qu'il n'est pas simple d'accéder à une expression "libre" des attentes : la génération accueillie dans les structures est souvent contente de ce qu'elle a déjà, a du mal à se projeter dans un autre environnement ou estime que "mieux sera trop cher". Ces représentations bloquent souvent une expression personnelle réelle et intime. Pour remédier à cela, le cabinet de Fany Cérèse met en place une méthode qui permet de découvrir des modèles alternatifs.
Le coeur de la démarche : prioriser l'espace de vie personnel !
Ce qui ressort des consultations permettant d'apprivoiser un autre point de vue, c'est que la priorité absolue du public devient simple : c'est le logement et non les espaces collectifs. Cette affirmation va à l'encontre de ce qui est traditionnellement demandé par les professionnels, à savoir des espaces collectifs et des professionnels. Cette prise de conscience pourrait être un coup d'arrêt pour la démarche : comment concilier des approches opposées, sachant que la dimension financière impose une approche rationnelle ? Un des éléments fondamentaux (qui va parler aux animateurs !), c'est la distinction nécessaire entre "le besoin d'habiter et le besoin de soins" : l'architecture des établissements actuels démontrent que le second à pris le pas sur le premier. C'est une incohérence majeure, car la prévalence du soin va paradoxalement altérer l'état de santé des personnes et impacter sa vie sociale !
Ouvrir la porte des "possibles" grâce à l'intelligence collective.
C'est là que la méthode démontre sa pertinence et son efficacité : l'approche domiciliaire n'est pas une question de moyens financiers mais bien d'intelligence collective. L'expérience démontre qu'il est possible, à superficie égale, de privilégier le logement des personnes en réduisant les circulations et les espaces collectifs. Cela nécessitera de travailler avec les équipes sur les ajustements possibles et acceptables. Par exemple, la disparition de couloirs intérieurs nécessitera des accès par l'extérieur : est-ce acceptable pour l'équipe ? Si oui, comment le mettre en place dans les meilleures conditions ?
Pour aider à se projeter vers un modèle d'établissement "plus désirable", le cabinet de Fany Cérèse a mis en place un dispositif innovant appelé "ATHOM" (pour en savoir plus, cliquer ici). L'un des ateliers proposés consiste à manier des briques de Lego pour répartir les espaces et démontrer que des modulations sont possibles.
Une intervention qui parle aux directeurs...
Evidemment, cette intervention était très pertinente pour les directeurs présents lors du congrès : il s'agit du public prioritairement concerné par des projets de cette ampleur. C'est eux qui ont le pouvoir de valider une orientation de ce type et la charge de piloter le dispositif. La prise de conscience que l'aspect financier n'est pas obstacle est une excellente nouvelle. Il restera cependant à incarner une vision humaniste dans un secteur en tension où les équipes pourront avoir des difficultés à adhérer au projet. Le challenge est pourtant bien là : casser un modèle de structure "toxique" pour les habitants et les professionnels, pour enfin investir dans des lieux de vies qui auront du sens pour tous.
... mais aussi une nouvelle piste de coopération avec les animateurs !
L'approche présentée par Fany Cérèse ne peut qu'intéresser les animateurs, car les démarches présentent des points communs : écoute du public en priorité et construction d'un projet à partir de ce matériau et non des injonctions extérieures. C'est aussi un axe fort de coopération entre animateurs et directeurs : il y a un complémentarité totale entre la nécessite de manager et d'animer ce projet ! La place du public ne peut être réduite à la conception des locaux : il faudra ensuite construire avec les habitants une vie sociale qui prennent en compte l'évolution des rôles sociaux impactés par le vieillissement et éviter de reproduire les limites constatées dans le modèle "100% domicile". Les qualités d'un "véritable chez soi" ne peuvent occulter les risques d'un isolement accéléré si l'environnement familial et social de la personne se réduit voir disparait.
En conclusion : une initiative très intéressante qui donne envie d'en savoir plus sur la dimension vie sociale...
Pour nous, animateurs, cette intervention appelle une poursuite des échanges avec Fany Cérèse. Nous sommes notamment intéressé pour approfondir la réflexion proposée pour animer la vie sociale dans ces nouvelles structures. Ce n'était pas l'objet de cette présentation mais le GAG mesure le potentiel de cette méthode et nous sommes très intéressés pour en savoir plus !