Les avis rendus par la commission
Avis n°4 : une entrave au droit de vote

Les avis de la commission de déontologie de l’animateur social avec les personnes âgées sont des avis consultatifs et indicatifs, et n’ont pas force de réglementation. Ils concernent uniquement l’exercice de la profession d’animateur social avec les personnes âgées et les conditions de cet exercice.
Situation étudiée par la commission du 13 octobre 2025 (avis n°4)
Cet avis est disponible en format PDF dans l'onglet "Ressources"
Entrave au droit de vote ?
Description de la situation par l’animatrice :
La situation s’est déroulée lors des élections législatives de juin - juillet 2024. L'animatrice, en accord avec la directrice, est allée en salle de restauration au devant des résidents pour les interroger sur leur volonté d’être accompagnés ou non au bureau de vote. Plusieurs personnes sont intéressées, et une association de la commune s’est proposée de réaliser bénévolement, pour ces deux dimanches d’élection, le transfert et l’accompagnement des résidents intéressés et sans famille disponible. L’animatrice établit une liste, vérifie avec les personnels la disponibilité des papiers nécessaires (carte d’identité et carte d'électeur) et transmet les éléments aux personnels soignants présents ces dimanches. La situation est claire au niveau de la structure et des équipes.
Quelques jours avant les élections, la belle-fille d’une des résidentes qui s’est inscrite pour aller voter, contacte la direction pour exprimer son mécontentement : elle explique que sa belle-mère n'est pas en capacité de savoir pour qui voter et que son vote sera influencé par la personne qui l'accompagnera au bureau de vote. Elle menace alors la direction de faire un courrier et de porter plainte si elle apprend que Mme B a voté. Le soignant présent et la direction ont rappelé à la belle-fille que personne ne peut interdire à un résident d’aller voter car il s’agit d’un droit fondamental. La résidente n’est ni sous tutelle ni sous curatelle ; elle ne présente pas de troubles du jugement. La belle-fille de la résidente a mis une telle pression sur sa belle-mère qu’elle a renoncé à aller voter.
Les questions sont posées conjointement par l’animatrice et la directrice :
Quelle est la limite de la structure entre la position de la famille et le/la résidente ? Quelles positions adopter face à ce genre de situation ?
Des prérogatives ou des process existent-ils afin d’évaluer les capacités cognitives du résident ? Sommes-nous en droit d’évaluer ses capacités ?
Quels auraient été les risques pour la structure si la résidente était allée voter malgré l'opposition de la famille ?
Eléments de réponse :
Depuis 2019, la personne protégée conserve son droit de vote, même si elle est sous une mesure de protection sauf décision explicite du Juge des Tutelles. Il n’est donc pas justifié d’évaluer les capacités cognitives de la résidente, ce qui répond à la 2ème interrogation.
Il s’agit d’une situation d’abus de pouvoir et de maltraitance de la part de la belle-fille : celle-ci agit par des paroles et des actes en vue de priver la résidente de son droit de vote. Nous ne savons pas jusqu’où sont allées ces pressions auprès de la résidente. En revanche, l’animatrice décrit des pressions verbales, allant jusqu’à la menace du procès auprès de personnels de l’établissement.
Sur le plan juridique, la résidente a été entravée dans l’exercice de son droit de vote initial qu’elle pensait exercer au départ puisque sa belle-fille - qui craignait une influence de l’équipe sur le vote - n'a pas proposé de solution alternative adaptée.
La direction de l’établissement s’est clairement positionnée en faveur de la défense du droit de vote de la résidente. Cependant il est effectivement légitime de se demander jusqu'où aller dans la défense de ce droit : emmener tout de même la résidente ? Dénoncer la situation de maltraitance ? sachant que le principal risque n’est pas la poursuite judiciaire de l’institution (qui est pleinement dans son droit) mais une situation de conflit dont la résidente pourrait souffrir directement ou indirectement.
Cette situation relève d’un signalement de maltraitance auprès de l’ARS et/ou la plateforme nationale de signalement des maltraitances envers les personnes vulnérables (3977) sachant que la personne peut demander à rester anonyme. Cependant nous recommandons à l’institution de parler de ce signalement à la belle fille car elle a engagé des pressions à la fois sur la résidente en la privant de ses droits et sur l’institution en menaçant de porter plainte.
Concernant les dispositifs d’accompagnement par des bénévoles.
Ils peuvent sembler insuffisants pour assurer le respect du choix des personnes et indirectement la confiance des proches car l’influence sur le vote des personnes vulnérables est une réalité maintes fois constatée. L’institution doit prendre tous les moyens pour garantir la liberté de choix du résident et la sincérité du scrutin. Assurer la supervision des bénévoles par un professionnel (de préférence l’animateur/trice responsable de la vie sociale des résidents) semble constituer une condition minimale indispensable. Encadrer cette intervention par une convention est du ressort de la direction et l’accompagnement de l’action par un professionnel - de préférence l’animateur - sont deux mesures qui limitent considérablement les risques de dérive.
Références Maltraitance des personnes âgées :
La maltraitance sur une personne âgée se manifeste par des gestes, paroles, actions ou omissions portant atteinte aux droits, aux besoins ou à la santé de la victime
La maltraitance des personnes âgées consiste en un acte unique ou répété, ou en l’absence d’intervention appropriée, dans le cadre d’une relation censée être une relation de confiance, qui entraîne des blessures ou une détresse morale pour la personne âgée qui en est victime. Ce type de violence constitue une violation des droits humains et englobe les violences physiques, sexuelles, psychologiques ou morales ; les abus matériels et financiers ; l’abandon ; le défaut de soins ; et l’atteinte grave à la dignité ainsi que le manque de respect.
Texte - LOI n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice :
Conséquences :
Rétablissement automatique du droit de vote pour les majeurs protégés : l’abrogation de l’article L5 du code électoral interdit désormais de priver les majeurs en tutelle de leur droit de vote.
Nécessité d’une demande d’inscription sur la liste électorale pour les majeurs en tutelle recouvrant leur droit de vote : il est nécessaire de distinguer le droit de vote de l’exercice effectif de ce droit, qui suppose l’inscription sur la liste électorale de la commune de son lieu de résidence, condition nécessaire à l’exercice de ce droit. Ce sont les électeurs qui sollicitent leur inscription sur la liste électorale. Le majeur protégé pourra procéder à son inscription auprès de la mairie du lieu de son domicile réel, « personnellement ou par l'intermédiaire d'un mandataire, muni d'un mandat écrit », qui peut être son tuteur professionnel ou familial, par correspondance ou par internet.
Modalités d’exercice du droit de vote : l’exercice proprement dit du vote, c’est-à-dire la participation au scrutin, en personne ou au moyen d’une procuration, est un acte personnel nécessitant d’être accompli par le majeur lui-même. La personne en tutelle pourra donc voter elle-même ou donner procuration dans les conditions du nouvel article 72-1 du code électoral, c’est-à-dire au tuteur familial ou à tout autre proche sauf les personnes mentionnées à ce nouvel article : les mandataires judiciaires à la protection des majeurs, les employés ou bénévoles intervenant dans les services ou structures d’accueil ou d’hébergement, les services d’aide à domicile... Ces tempéraments sont prévus pour garantir que le vote reste personnel et ainsi assurer le principe de sincérité du scrutin.
Références
1° L'article L. 5 est abrogé ;
2° Le premier alinéa de l'article L. 64 est complété par les mots : «, autre que l'une des personnes mentionnées aux 1° à 3° de l'article L. 72-1, s'agissant des majeurs en tutelle » ;
3° Après l'article L. 72, il est inséré un article L. 72-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 72-1.-Le majeur protégé exerce personnellement son droit de vote pour lequel il ne peut être représenté par la personne chargée de la mesure de protection le concernant.
« Il ne peut donner procuration à l'une des personnes suivantes :
« 1° Le mandataire judiciaire à sa protection ;
« 2° Les personnes physiques propriétaires, gestionnaires, administrateurs ou employés de l'établissement ou du service soumis à autorisation ou à déclaration en application du code de l'action sociale et des familles, d'un établissement de santé mentionné à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique ou d'un service soumis à agrément ou à déclaration mentionné au 2° de l'article L. 7231-1 du code du travail qui le prend en charge, ainsi que les bénévoles ou les volontaires qui agissent au sein de ces structures ou y exercent une responsabilité ;
« 3° Les salariés mentionnés à l'article L. 7221-1 du code du travail accomplissant des services à la personne définis au 2° de l'article L. 7231-1 du même code. »